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(Édito mensuel PME Finance – Mai 2015)

Projet important de l’agenda simplifié de la nouvelle Commission européenne, l’Union des marchés de capitaux a été annoncée par le Président Juncker lors de son discours de juillet 2014 devant le Parlement européen. Les premiers débats des acteurs financiers concernés, comme de la communauté scientifique, ont été initiés à la fin de l’année 2014, avant que la consultation officielle de la Commission ne s’ouvre avec le livre vert dédié au mois de février dernier. Cette consultation s’achèvera le mercredi 13 mai, puis l’exécutif européen convoquera une conférence à l’été et proposera un plan d’action d’ici à la fin de l’année. L’objectif du Commissaire Hill, en charge du dossier, est de réaliser ce chantier structurant d’ici à la fin du mandat de la Commission, mi-2019

[1].

 

Qu’est-ce que l’Union des marchés de capitaux ? Un projet européen, d’abord, puisqu’elle vise à réaliser le potentiel du marché unique de capital et l’effectivité d’une des quatre libertés fondamentales de l’Union, la libre circulation des capitaux. Un élément important du plan de relance de l’investissement (dit aussi « Plan Juncker ») ensuite, car le développement du secteur non-bancaire permettra de mobiliser une palette élargie de financements dans les infrastructures stratégiques et les PME. Plus techniquement, l’initiative vise trois objectifs : l’amélioration de l’accès aux sources de financements ; la diversification des sources de financements, alors que les banques représentent encore la majorité du financement de l’économie européenne ; une plus grande efficience des infrastructures de marché.

Le développement et l’intégration transfrontalière des marchés de capitaux comporteraient plusieurs avantages. Ces deux objectifs différents, qui peuvent néanmoins être servis par des politiques communes, auraient plusieurs avantages[2] : ils permettraient de mieux répartir les risques financiers, de réduire les coûts de financements, d’accroître la capacité du système financier à absorber des chocs, d’offrir des choix et des rendements plus variés aux investisseurs, de développer le capital-risque. Ainsi, l’Union des marchés de capitaux peut être une contribution, à moyen terme, à la croissance et à l’emploi en Europe. C’est un projet structurant au bénéfice des grandes entreprises, des ETI, des PME et des « start ups », mais aussi des banques, des assurances, des gestionnaires d’actifs, et des bourses.

Comment l’Union des marchés de capitaux profitera-t-elle aux PME et aux « start ups », notamment françaises ?

Compte tenu de la complexité du sujet, la Commission semble vouloir procéder en plusieurs étapes, distinguant, d’une part, les priorités règlementaires d’ampleur limités et réalisables, et des enjeux beaucoup plus complexes de plus long terme.

Au titre des priorités de court-terme concernant les ETI-PME au sens large, qui nourriront vraisemblablement le plan d’action attendu d’ici à la fin de l’année, l’exécutif européen va :

  • s’atteler à l’amélioration du cadre juridique des placements privés, dont le développement sur plusieurs places européennes est encore handicapé par des législations nationales trop différentes et par l’absence de procédures et de documentations suffisamment standardisées ;
  • recueillir les analyses et recommandations d’une consultation relative aux prospectus, afin de rationaliser les procédures d’agrément et de simplifier les informations à fournir par les émetteurs ayant besoin de ce document important dans leur accès aux marchés de capitaux ;
  • faciliter l’accès des investisseurs aux données relatives à la solvabilité des PME et à leurs risques de crédit. Un socle commun de données comparables pourrait faciliter les financements vers les PME, et leurs refinancements (notamment par la titrisation, que la Commission espère également relancer)

Au titre des projets plus complexes, qui nécessitent des travaux approfondis, la Commission souhaite avancer dans les domaines suivants :

  • la modification de règles comptables relatives aux entreprises non concernées par les normes IFRS. Dans son livre vert, l’exécutif envisage d’élaborer des normes comptables simplifiées en leur faveur afin d’accroitre leur transparence et leur comparabilité. Comme le souligne toutefois Nicolas Véron, cette question doit être pensée en lien avec l’harmonisation de la fiscalité des entreprises ;
  • le droit des faillites et les restructurations d’entreprises: la Commission souligne que les modalités d’insolvabilité transfrontières ont progressé, mais que les cadres nationaux demeurent divergents, ce qui handicape l’émergence de marchés pan-européens d’actions et de dettes. La Commission a, par ailleurs, fait une recommandation invitant les Etats à mettre en place des procédures de restructuration précoces, légères, et harmonisées des passifs ;
  • la fiscalité des titres: l’exécutif européen est conscient des différences de traitement fiscal des entreprises et des actifs qui les financent, les actions étant généralement moins favorisées d’un point de vue fiscal que l’investissement en dette et souhaite s’atteler à ce problème ;
  • le droit relatif aux financements usant de nouvelles technologies (fintechs: la Commission souligne que les droits européen et nationaux n’ont pas évolué aussi vite que les changements technologiques et n’ont pas intégré les avantages de la numérisation. Des économies et des contraintes allégées pourraient en découler

 

Olivier Marty

[1] Ceci implique, compte tenu de leurs délais de mises en œuvre, d’engager la plupart des dispositions législatives, des mesures de soutien aux initiatives de places, ou des recommandations pays dans le cadre du Semestre européen d’ici à 2017.

[2] Voir le livre vert de la Commission européenne, « Construire l’Union des marchés de capitaux » (février 2015) et la contribution de Nicolas Véron et Guntram Wolff, « Capital markets union: a vision for the long term », Bruegel policy contribution, 2015/05.