Le congrès du Parti conservateur britannique, qui s’est tenu à Birmingham cette semaine, suscite une nouvelle volée de critiques à l’encontre de Theresa May, dont les faiblesses (manque d’autorité sur un parti divisé, indécision et inefficacité dans la conduite des négociations avec l’Union européenne, prises de position peu rassurantes) sont souvent cruellement rappelées.
Pourtant, une position plus objective devrait nous amener à considérer aussi ses qualités, éprouvées depuis deux ans.
Une dirigeante courageuse
La Première ministre britannique est d’abord une dirigeante incontestablement courageuse. A l’été 2016, il fallait, outre une ambition légitime, une certaine abnégation pour tenter de réaliser le Brexit, une tâche extraordinairement difficile et douloureuse. Le tout dans un climat politique et social délétère, qui a fait fuir glorieusement tous les populistes qui avaient déclenché cette affaire.
Face au risque d’un échec gouvernemental retentissant, qui pèse encore aujourd’hui comme une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, elle fit valoir son sens des responsabilités et son souci du rassemblement national, tant à la Chambre des communes que vis-à-vis de l’opinion publique.
Une battante
Mme May a également le mérite de tenter d’obtenir le moins mauvais résultat possible pour le Royaume-Uni à l’issue des négociations. Elle a considéré à juste titre que le suffrage populaire, aussi peu éclairé qu’il fût, ne pouvait être ignoré, mais qu’il lui incombait de « rationaliser le populisme ».
C’est ainsi que, dès janvier 2017, malgré plusieurs maladresses, approximations, et revirements, elle eut, à défaut de réelle stratégie, comme fil conducteur la volonté de trouver une solution qui minimise les conséquences du Brexit et rassemble tant son camp que la classe politique britannique. L’UE a raison de l’aider au fil des discussions afin de favoriser un accord, qui est encore à sa portée.
Une Première ministre digne
Troisième qualité, une certaine dignité dans la défense de l’honneur britannique. Tant à Bruxelles que dans son pays, la Première ministre a voulu rappeler, avec une prestance indéniable, que, malgré toutes ses faiblesses, le Royaume-Uni reste bien une puissance d’influence respectée, riche d’une histoire glorieuse et de nombreux atouts : « soft power », innovation, savoir-faire commercial et financier, position avantageuse dans le domaine de l’économie de la connaissance.
Cet acquis est de nature à ressouder un corps social qui a besoin, comme d’autres, d’être plus uni et confiant. Il amène également à relativiser l’impact du Brexit sur l’économie du pays malgré un coût inévitable.
Tenir la barre
A court terme, le congrès de Birmingham a été certes l’occasion pour les ténors tories de malmener la Première ministre. Toutefois, la confrontation des trois lignes de force qui travaille actuellement le Parti conservateur (néo-thatchériens, rénovateurs, et partisans de l’unité nationale) ne débouche pas encore sur une alternative crédible pour un nouveau « leadership ».
Par ailleurs, les militants, eurosceptiques et âgés, du parti, s’ils soutiennent de plus en plus Boris Johnson, ne sont pas encore confrontés à la décision tangible de l’investir au prix de faire dérailler les négociations avec Bruxelles. Dans un climat encore très incertain, le plus probable est donc que Mme May tienne la barre.
Cette situation devrait lui permettre de mener à bien le Brexit en se rapprochant des solutions avancées par l’Union européenne et de se concentrer un peu plus sur les problèmes intérieurs du pays. Viendra ensuite le temps d’une nouvelle équipe et d’un jugement sans doute plus nuancé de son action.
Olivier Marty enseigne les Questions européennes à Sciences Po.
Paru sur Les Echos le 05/10/2018